rose stellaire

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lundi 20 mars 2017

Paradoxe

Tant que je demande, j'affirme l'absence, et ce que je demande m'échappe sans cesse...

Lorsque je goûte ce que je demande, à l'instant où j'effleure ce que je demande, un mouvement en moi, réflexe primaire, essaie de le saisir, et dans l'instant, ce que je goûtais n'est plus.

Et ça hurle en moi. Ça hurle comme un volcan qui implose à défaut de pouvoir exploser.

Et j'en viens à demander la capacité de ne plus demander. Le volcan décuple d'intensité.

Il n'y a rien à faire, je ne peux rien faire. Je suis condamnée au paradoxe.

Je commence à baisser les armes. Oh pas complètement, mais suffisamment pour créer un espace un peu moins bruyant. Et sans que je m'en rende compte, l'alchimie s’opère...Une brèche s'ouvre dans le mental, puis une autre dans ce mental qui joue au non-mental...

Je n'obtiendrai pas ce que je demande. Soupir.  Bien, alors que vais-je faire maintenant?
Puis je lève les yeux et embrasse ma vie d'un regard clair, lavé d'attente ou d'espoir. 
Voyant que je les contemple sans enjeu, les choses consentent à me dévoiler leur possibles... Floraison de mille couleurs! 
Tout est offert. Si je ne le goûte pas, ce n'est pas parce que ce n'est pas là. C'est parce que je ne le reconnais pas en tant que tel.

Puis la vie reprend son cours et le mental sa puissance, son trône... Et j'oublie, ou plutôt je ne le goûte plus. La brèche s'est refermée, je n'ai plus accès à cette connaissance éprouvée. Seul le souvenir que ça a existé demeure... mais le souvenir de quoi au fait, cela s'efface de plus en plus...Et plus je tente de le saisir, plus je m'en éloigne, et plus je m'en éloigne, plus je tente de le saisir... Au lieu de simplement dire "oui" au fait que je ne le goûte plus. Le mental reprend son trône vous dis-je.

Et à nouveau je baisse les armes. C'est ainsi je ne le goûterai plus...
La vie est aimante pour qui baisse les armes me semble-t-il, car voici qu'elle m'offre une nouvelle bataille dans laquelle sacrifier encore quelques illusions!

Je suis devant un choix. Des enjeux colossaux, un choix impossible. 
Je bataille, je me sers de toute les armes connues, à coup de bon sens (pff!), à coup "de conscience" (tu parles!), à coup "d'amour" (ben voyons!), j'en prends de nouvelles, rien n'y fait. L'évidence ne vient pas. La voie à suivre ne s'éclaire pas. L'étau se resserre. 
Et oui mesdames et messieurs, car le facteur temps joue, c'est lui qui porte le mouvement de resserrage, sans lui pas de danger, un enfermement certes, mais pas de mise en pression. 
Je bataille. Jusqu'au dernier moment, je bataille. Pour contrer le resserrement, pour me laisser le temps de trouver une porte de sortie, l'endroit où je sais que j'aurais fait le bon choix!

Je suis dans un étau qui me comprime jusqu'à ce que je n'ai plus de force, plus d'arme, plus d'espoir de me soustraire à cette pression. 
Jusqu'à ce que je cesse de regarder ailleurs pour trouver une échappatoire. 
Alors j'éprouve cette pression au plus près. Alors l'insoutenable occupe tout l'espace. Alors ce qui tenait jusqu'à présent se laisse craquer. Alors la fulgurance d'un éclat de conscience. En un instant je me fluidifie, je coule naturellement, sans effort, hors de l'étau, vers le bas, ou vers en haut, peu importe. Je suis hors de l'étau. L'étau n'est plus.
 
- Et maintenant on va où? 
- Il n'y a pas d'après (pour le moment), tout est là, éprouve le.


" Se ré-veiller dans le sommeil, être témoin de la mécanicité du NON 
         ou du faux positif pour être AVANT toute pensée du OUI ou du NON, 
         L'AFFIRMATION PURE, C'EST LA DISSOLUTION DE L'ILLUSION!"

" La possibilité d'une INVASION de la Présence de l'Inconnu doit révéler toutes les constructions encore jamais vues et jamais éprouvées de la mémoire, du savoir , du connu. Découvrir le connu semble le premier pas et le dernier! Car Ce-Qui-Est, la Présence et la qualité silencieuse de la Conscience s'installe alors par l'Abandon intime à ce Puissant MYSTÈRE qui vient pour vous vider de toute la mémoire et de la blessure première de la pensée d'un "je" pensant ou d'une "grâce à l'autre" qui vous aurait octroyé ce privilège de l'extase! C'est une RUPTURE mon ami, c'est une RUPTURE! CELA-QUI-EST pulvérise avant, après!"

Solaris, "Le Soleil dans la Nuit - Entretiens radioactifs"


  

        HSIN SIN MING

La grande Voie n’a rien de difficile,  
Mais il faut éviter de choisir !
Soyez libéré de la haine et de l’amour :
Elle apparaîtra alors dans toute sa clarté !

S’en éloigne-t-on de l’épaisseur d’un cheveu,
C’est comme un gouffre profond qui sépare le ciel et la terre.
Si vous désirez la trouver,
Ne soyez ni pour ni contre rien !

Le conflit entre le pour et le contre,
Voici la maladie de l’âme !
Si vous ne connaissez pas la profonde signification des choses,
Vous vous fatiguerez en vain à pacifier votre esprit.

Aussi parfaite que le vaste espace,
Rien ne manque à la Voie, rien ne reste hors d’elle.
A accueillir et à repousser les choses,
Nous ne sommes pas comme il faut.

Ne pourchassez pas le monde soumis à la causalité,
Ne vous attardez pas dans une Vacuité excluant les phénomènes !
Si l’esprit demeure en paix dans l’Un,
Ces vues duelles disparaissent d’elles-mêmes.

Quand l’activité cesse et que la passivité prévaut,
Celle-ci à son tour n’en est que plus active.
Demeurant dans le mouvement ou la quiétude,
Comment pourrions-nous connaître l’Un ?

A ne pas comprendre l’unité de la Voie,
Le mouvement et la quiétude conduisent à l’échec.
Si vous vous arrachez au phénomène, celui-ci vous engloutit ;
Si vous poursuivez le vide, vous lui tournez le dos.

Plus nous parlons et plus nous spéculons,
Plus nous nous éloignons de la Voie.
Supprimant tout discours et toute réflexion,
Il n’est point de lieu où nous ne puissions aller.

Retournez à la racine : vous obtiendrez le sens ;
Courez après les apparences vous vous éloignerez du principe.
Si, pour un bref instant, nous retournons notre regard introspectivement,
Nous dépasserons le vide des choses de ce monde.

Si ce monde nous paraît sujet à des transformations,
C’est en raison de nos vues fausses.
Pas besoin de chercher la vérité ;
Il suffit de mettre fin aux vues fausses.

Ne vous attachez pas aux vues duelles ;
Évitez soigneusement de les suivre.
S’il y a la moindre trace de oui ou de non,
L’esprit se perd dans un dédale de complexités.

La dualité existe en raison de l’unité,
Mais ne vous attachez pas à cette unité.
Quand l’esprit s’unifie sans s’attacher à l’un,
Les dix mille choses sont inoffensives.

Si une chose ne nous offense pas, elle est comme inexistante ;
Si rien ne se produit, il n’est point d’esprit.
Le sujet disparaît à la suite de l’objet ;
L’objet s’évanouit avec le sujet.

L’objet, c’est par le sujet qu’il est objet ;
Le sujet, c’est par l’objet qu’il est sujet.
Si vous désirez ce qu’ils sont dans leur dualité illusoire,
Sachez qu’ils ne sont rien d’autre qu’un vide.

Dans ce vide unique, les deux s’identifient ;
Et chacun contient les dix mille choses.
Ne faîtes pas de distinction entre le subtil et le grossier ;
Comment prendre parti pour ceci contre cela ?

L’essence de la grande Voie est vaste ;
En elle rien n’est facile, rien n’est difficile.
Les vues mesquines sont hésitantes et irrésolues :
Plus on pense aller vite, plus on va lentement.

A nous attacher à la grande Voie, nous perdons toute mesure ;
Nous nous engageons sur un chemin sans issue.
Laissez-la aller et les choses suivront leur propre nature ;
Dans l’essence rien ne se meut ni ne demeure en place.

Obéissez à la nature des choses : vous serez en accord avec la Voie,
Libre et délivré de tout tourment.
Lorsque nos pensées sont enchaînées nous tournons le dos à la vérité ;
Nous sombrons dans le malaise.

Le malaise fatigue l’âme :
A quoi bon fuir ceci et accueillir cela ?
Si vous désirez prendre le chemin du Véhicule unique,
N’entretenez aucun préjugé contre les objets des six sens.

Lorsque vous ne les détesterez plus,
Alors vous atteindrez l’illumination.
Le sage est sans rien faire ;
Le fou s’entrave lui-même.

Les choses ne connaissent pas de distinctions ;
Celles-ci naissent de notre attachement.
Prendre son esprit pour s’en servir,
N’est-ce pas là le plus grave de tous les égarements ?

L’illusion produit tantôt le calme, tantôt le trouble ;
L’illumination détruit tout attachement comme toute aversion.
Toutes les oppositions
Sont fruits de nos réflexions.

Visions en rêve, fleurs de l’air :
Pourquoi devrions-nous nous mettre en peine de les saisir ?
Le gain et la perte, le vrai et le faux,
Qu’une fois pour toutes ils disparaissent !

Si l’œil ne dort pas,
Les rêves s’évanouissent d’eux-mêmes.
Si l’esprit ne se perd pas dans les différences,
Les dix mille choses ne sont plus qu’une identité unique.

Quand nous saisissons le mystère des choses en leur identité unique,
Nous oublions le monde de la causalité.
Lorsque l’arrêt se met en mouvement, il n’y a plus de mouvement ;
Lorsque le mouvement s’arrête, il n’y a plus d’arrêt.

Les frontières de l’ultime
Ne sont gardées ni par des lois ni par des règlements.
Si l’esprit est harmonieusement uni à l’identité,
Toute activité s’apaise en lui.

Quand les doutes sont balayés,
La foi véritable réapparaît, confirmée et redressée.
Plus rien ne demeure,
Rien qu’il faille se remémorer.

Tout est vide, rayonnant et lumineux par soi-même :
Ne fatiguez pas vos forces spirituelles !
L’absolu n’est pas un lieu mesurable par la pensée,
La connaissance ne peut la sonder.

Dans le monde de la vraie identité,
Il n’est autrui ni soi-même.
Si vous désirez vous accorder à elle,
Il n’est que de dire : non-dualité.

Dans la non-dualité toutes choses sont identiques,
Il n’est rien qui ne soit contenu en elle.
Les sages en tous lieux
Ont accédé à ce principe cardinal.

Le principe est sans hâte ni retard ;
       Un instant est semblable à des milliers d’années :
Ni présent, ni absent
Et cependant partout devant mes yeux.

L’infiniment petit est comme l’infiniment grand,
Dans l’oubli total des objets.
L’infiniment grand est pareil à l’infiniment petit,
Lorsque l’œil n’aperçoit plus de limites.

L’existence est la non-existence,
La non-existence est l’existence.
Aussi longtemps que vous ne l’aurez pas compris,
Votre situation demeurera intenable !

Une chose est à la fois toutes choses,
Toutes choses ne sont qu’une chose.
Si vous pouvez saisir cela,
Il est inutile de vous tourmenter au sujet de la connaissance parfaite.

L’esprit de foi est non-duel,
Ce qui est duel n’est pas l’esprit de foi.
Ici les voies du langage s’arrêtent.
Car il n’est ni passé, ni présent, ni futur.

Traduit du Chinois par L. Wang et J. Masui 

2 commentaires:

  1. Beau paradoxe ! Il est intéressant d'avoir à l'esprit qu'étymologiquement parlant, "paradoxe" signifie "qui va contre le sens commun". Et pourtant, le réel est par nature paradoxal, conjonction de contraires, comme la lumière qui est à la fois onde et corpuscule, et réalité une ai-delà de ces deux...

    Il reste un noeud paradoxal tant que l'on prête une réalité propre au mental. Nargajurna disait :

    La nature ultime du nirvana
    Est la nature ultime du samsara.
    Il n'est pas entre eux la moindre,
    La plus subtile différence.

    Il en va de même entre le moi et le Soi, entre le mental et la Conscience, etc. Il s'agit de ne pas recréer une dualité avec l'idée de l'existence d'un mental. Non-deux, vous dis-je, non-deux !...

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  2. merci Marie, au travers de ce témoignage je sens une naissance, avec ce qu'elle peut avoir de paradoxale. Pour naître, il nous faut quitter un monde éprouvé, sécurisant, pour un ailleurs inconnu dans un brouhaha et avec une pression infernal non métrisable qui nous entraîne vers un autre monde.
    Ce texte me donne envie de prononcé le mot Silence.
    c'est dans le Silence et la confiance que cette nouvelle existence prend tout son sens.

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